mercredi 4 juillet 2012

A la lumière du Ministère de l’Emploi Crépusculaire…



LES CARNETS DE ROUTE DE LADY X  # 04

A la lumière du Ministère de l’emploi crépusculaire…



Voici une liste de questions posées aux responsables politique, au ministre Courard, et au ministère du bien être section Mons, et restées à ce jour sans réponses.

" Quels ont été les résultats de votre inspection du chantier Bell Telephone? "

Selon un rapport de l’organisme de contrôle Vinçotte que nous nous sommes procuré, des échantillons d’amiante ont été retrouvés dans l’ancienne chaufferie du bâtiment de même que dans des portes coupe-feu. Quel type d'enlèvement de l'amiante a été utilisé dans ce cas ci? Quelle est l'entreprise agréée qui a effectué les travaux de désamiantage? "

" Pouvez vous m'informer plus précisément des dispositions qui ont été dans ce cas ci prises pour veiller au respect de la législation dont vous avez les compétences, et du suivi que vous comptez donner à cette situation? "

" Avez-vous connaissance d’un nombre si élevé de cas d’anciens travailleurs de Bell Téléphone emportés par un cancer et luttant actuellement contre la maladie ? "

" Le Fonds des maladies professionnelles, voire le Fonds amiante, ont-ils été saisis de l’une ou l’autre demande d’indemnités par d’anciens travailleurs de l’entreprise ? "

" Si oui, l’origine du milieu professionnel a-t-elle pu être établie et les chances d’être indemnisé existent-elles ? "

" Dans la négative, disposez-vous d’informations sur les éventuels refus enregistrés ? "

" Quelles suites sont elles prévues concernant le fait que le démantelement du site se fait à ciel ouvert sans protections ni pour les travailleurs, ni pour le voisinage recouvert de poussières suspectes, d'après le rapport alarmant d'AIB Vinçotte ? "

" Quel est le commanditaire des travaux réalisés par Tradeco? "

Pourtant nous avons essayé d'en avoir des réponses, en voici quelques unes, accrochez vous ça va saigner.

Linda Mondry a enquêté pour nous ...



Y’avait quelque chose de révoltant à recevoir les réponses de la Direction générale du Contrôle du Bien-être au Travail (CBE), dépendant du Ministère fédéral de l’Emploi. Face à nos constatations , vidéo à l’appui, d’ouvriers travaillant les pieds dans l’amiante et sans protection particulières, ni pour eux, ni pour les riverains, à la réhabilitation de l’ancien site de Bell-Téléphone, à Colfontaine

















Ex-usine Bell Telephone Mardi 29 mai 2012




La chargée de dossier ne nous renvoyait que dénégationspar courriels: « toutes les mesures nécessaires ont été prises.  » Une fois, deux fois, trois fois la même sentence… « Aucune plainte n’a été introduite. » 
Comment faut-il procéder pour en introduire une? Toujours pas de réponse. Aucune. Une fois, deux fois… J’ai eu envie de remuer le cocotier. Et, pour ce faire, y’a la bonne vieille technique du harcèlement téléphonique heu… journalistique. Faut juste un bon gsm, avec son horloge bien minutée, puis disséquer la hiérarchie concernée pour repérer les personnes impliquées. A commencer, bien entendu, par la chef de la menteuse.
Youp! Je mets mon casque et j’enfile mon t-shirt d’ouvrier plus que potentiellement contaminé… J’me glisse dans sa peau et je sauve ma vie. En tous cas, j’pose mes questions. Et j’lui explique que, n’étant pas avocate mais journaliste, il me faudrait moins de temps pour écrire un papier que pour déposer plainte. Malgré l’obstination de sa subalterne et l’urgence de protéger ces ouvriers et les riverains qui, de jours en jours , risquent tout simplement leur santé, voire leurs vies. 
Las, sur nos mails elle… ne voit pas notre vidéo. Juste en bas, là: « Mais quand je clique ça ne marche pas. » Allez voir sur mon blog alors, tous mes lecteurs l’ont vue. Bon… « J’trouve pas votre article. Mon ordinateur doit avoir un problème informatique… » J’lui demande alors les coordonnées téléphoniques de son chef, supposant que son matériel de bureau serait plus performant. Le chef de la chef, lui, semblait davantage formé à la communication. Enfin, à la langue de bois aisée et sympathique, spécialité renvoyage de balle plutôt. De son bureau bruxellois, il ne pouvait évidemment pas être au courant de tous les dossiers et, oui-oui, il voyait bien nos images mais ne pouvait que me renvoyer à sa sous-fifre, a la direction du Hainaut d’où je venais. Il allait d’ailleurs lui intimer l’ordre de répondre à mes questions concernant cette réalité fort étonnante: « Rappelez-la donc dans une heure…  » Je règle mon alarme. Faut toujours être extrêmement fidèle à sa parole pour harceler poliment. Ca dénote, en outre, une sincère détermination.


Ca me laissait le temps de recontacter Franco Seminara. Avant la publication de mon article contenant la vidéo, le député fédéral socialiste m’avait sans problème accordé une interview. Il se proposait, en compagnie de son confrère Eric Thiébaut (PS), député-bourgmestre d’Hensies, de prendre faits et cause pour les anciens employés intoxiqués en posant une question parlementaire à Philippe Courard (PS), secrétaire d’Etat chargé des risques professionnels, à propos de la reconnaissance et de l’indemnisation de leurs pathologies. Avantageuse cause humanitaire locale, je m’étais laissée dire, en cette période pré-électorale communale.  Ben oui… Pendant des décennies, les ouvriers avaient manipulé, sans la moindre précaution déjà, une foultitude de produits toxiques dans un environnement truffé d’amiante. Quand l’un d’entre-eux tombait malade, on l’envoyait toujours vers le même service, le Discca, où des femmes se seraient laissées dire que l’origine de leur cancer du sein détecté émanait… Des rayons X utilisés lors de la mammographie qu’elles venaient d’effectuer. Texto. 
Pour les autres, entre l’utilisation de tant de produits dangereux (trichlore, acide sulfurique, cyanure…) la cause de la maladie serait, forcément, difficile à déterminer. Ils se retrouvent donc tous, individuellement, orientés vers des services différents, sous des numéros de codes différents. Bref, aucune reconnaissance globale possible. Willy Ray, ancien syndicaliste et employé, tente quant à lui de réunir les victimes et leurs familles afin d’établir des liens entre les dossiers. Faut dire, après 38 décès sur 72 malades déclarés, l’ancien personnel de Bell-téléphone commence sérieusement à angoisser. Ils se réunissent d’ailleurs assez régulièrement au Vanneau, un café à proximité de leur ancienne entreprise pour tenter de sortir de cette honte de la maladie qui les isole et étouffe leurs paroles.
Malheureusement, après la diffusion de mon papier accompagné de sa vidéo, l’agenda de Franco Seminara devint subitement surchargé. Me restait plus qu’à contacter Eric Thiébaut, pas de chance, pour l’instant en pleine séance plénière au Parlement: « Rappelez à 17h. » C’est noté. Pour sa part, la sous-chef du Hainaut avait l’air plutôt paniquée, cette fois. Elle me répétait invariablement que toutes les mesures avaient été prises et qu’il fallait porter plainte. A un rythme de mille mots à la minute, plus ou moins. Comme je le savais déjà, je lui ai redemandé combien de temps cette situation allait perdurer. Le rythme passa donc à dix milles mots par minute jusqu’à ce que je l’interrompe pour lui proposer d’en parler plutôt au chef de son chef bruxellois. En affirmant que, pour ma part, ça m’était bien égal de téléphoner à la Ministre même si ça lui occasionnait une mauvaise nuit. 
Bon, évidemment, Monica Deconinck (SP.A) dispose d’un service de presse traditionnellement spécialisé en remballage de journalistes mais bon… En tous cas, son porte-parole ne sera pas là avant demain. Sans faute merci. A 17h, Eric Thiébaut ne daignait pas décrocher son GSM. A 17h02 non plus. Ni à 17h05, ni à 17h15, ni à 17h30, ni à 17h55, ni à 18h… Bon, j’annonce sur sa messagerie que je retéléphonerai demain. Faut pas déranger en dehors des heures de travail, c’est pas poli. Il n’avait pas l’air trop content, pourtant, le lendemain matin: « Ca ne sert à rien de me téléphoner tout le temps. Je comptais vous rappeler mais, de toutes façons, je ne poserai pas la question parlementaire avant les vacances. » Qu’à cela ne tienne, je voudrais seulement parler de la problématique actuelle. Un rendez-vous définitif la semaine prochaine sera, donc, amplement suffisant. Oui, bien sûr, je me déplace au Parlement comme de bien entendu.

En fait, c’est là que c’est surtout devenu amusant. L’attaché de presse de Monica Deconinck, Christopher Barzal pour être précise, était parfaitement au courant du dossier. ‘Evidemment le foin que j’avais fait avait du le dépoussiérer: difficile d’imaginer que dans le bureau de la Ministre, au coeur de l’Etat fédéral bruxellois, il puisse penser en permanence aux bledards borains. 
M’enfin bon… Ce qui m’a plutôt surprise c’est que, tout de go, il s’est exclamé: « Nous ne sommes pas responsable du travail au noir! » Contente de l’apprendre en fait, j’y avais pas pensé mais j’comprends mieux, du coup,  les dénégations de la chargée de dossier ainsi que les pannes informatiques de sa supérieure. Z’avez pas vu, sur mon blog? Avec les budgets de l’Etat, j’imagine qu’il jouissait d’un matériel dernier cri parce que, en voyant les images, il ne s’est pas privé d’en pousser un assez haut: « Quoi? Mais y’a carrément des grues et tout et tout?  » Ben oui… Vous le voyez aussi bien que moi… Enfin bref, l’était responsable de rien, le mec. Il allait fissa mener son investigation et m’en tenir informée. Mais d’où proviennent ces ouvriers au noir? Nous nous sommes dit, vu son ignorance, que nous allions recontacter la chargée de dossier qui ne pourrait que disposer de la réponse. Bon évidemment, en terme d’enquête ministérielle, j’ai eu droit à une absence de la principale intéressée tandis que sa chef m’a répondu avec une certaine intonation jouissive: « On a reçu pour instruction de ne plus parler aux journalistes.»
Pas grave, j’ai beau être bruxelloise, je n’en gardais pas moins des yeux dans le Borinage. Et j’les ai envoyés un peu se balader dans la région avec la question indiscrète. A leur retour, ils m’ont prétendu qu’il s’agirait de la société Tradeco, sise à Mouscron. Ensuite, le lendemain, je suis retournée au Vanneau où les malades se réunissaient assez opportunément. J’ai été un peu surprise par l’affluence de deux à trois cents personnes. Pour cause, trois entreprises avait succédé à Bell-téléphone  jusqu’en 2011: GeminusPunchtronic et MCMS. Leur personnel respectif soupçonnent, dès lors, bien davantage que les 72 victimes connues. Entre les travées se sussure le nombre estimé de 300 victimes. Tout ce petit monde demeure, de manière fort compréhensible, inquiet pour sa santé. Alors que la police locale angoisse à la même mesure: avant le début des travaux, ils auraient effectués des exercices de tirs dans ce lieu cédé à la commune, pour un euro symbolique, qui accueillera leurs futurs locaux. Un rapport Vinçotte, attestant de la présence d’amiante dans les portes coupe-feu et le système de chauffage serait d’ailleurs entre leurs mains. Mais Willy Ray refuse de m’en procurer un exemplaire sous prétexte qu’une deuxième version circulerait et « qu’elle mentionnerait une quantité d’amiante probablement bien plus importante tout autant que des déclarations compromettantes. » Pas de quoi rassurer. De fait, sur la terrasse, les anciens employés s’inquiètent des particules invisibles qui pourraient, à tous vents, saupoudrer leurs bières. Ils détaillent également des vécus tout bonnement effrayants: « J’ai une copine qui a survécu jusqu’ici. Mais vu le nombre de cancer déclarés, on lui a déjà tout remplacé. Alors les médecins lui ont dit qu’il n’y avait plus rien à faire.» 
Un dossier de désamiantage aussi mystérieux que similaire concernerait la société Atea, située un peu plus loin sur le territoire de la commune. En tous cas, assez loin du Parc Royal bruxellois où je sirote, sans complexe, une cigarette avant de rejoindre la Maison des parlementaires tip top à midi. Eric Thiébaut toujours sur la route, je l’autorise à ne pas risquer sa vie au volant pendant que je parcours quelques lignes d’un de mes bouquins préférés. Assez pimpant, le député m’accueille d’un air léger dans un bureau vide, « je viens très rarement ici« , pour me glisser le résultat de sa question parlementaire impromptue. Sans surprise pourtant, j’y découvre que Philippe Courard a simplement noyé le poisson en renvoyant les différentes victimes vers les services qui ont toutes compétences pour statuer sur leurs indemnisations etc etc… Sans plus. Je ne pouvais décemment me contenter d’une telle réponse, je lui ai donc décrit la situation présente sur le chantier. Sans qu’il n’ouvre, toutefois, la bouche d’un chouïa. 
Je lui ai alors balancé ma théorie: la commune de Colfontaine aurait engagé des travailleurs au noir parce qu’effectuer un désamiantage en règle aurait été reconnaître le bâtiment contaminé. Comme l’indiquerait le rapport Vinçotte mis au frigo. Et que cette constatation impliquerait la reconnaissance officielle de la maladie et engendrerait, donc, l’indemnisation des victimes. Avec une note à la clé… Pffffffiou… Un peu beaucoup par trop salée. Et comme bon, vaudrait mieux dépolluer rapidement pour accueillir les policiers… Toujours sans désserrer les dents, mon interlocuteur m’a juste soufflé un « C’est clair » subreptice avant de me raccompagner, assez exaspéré, vers l’ascenseur. Il n’est jamais que le bourgmestre d’Hensies et, à ce titre, le sort des ouvriers de Colfontaine ne semblait plus guère l’intéresser.

Texte: Linda Mondry
Photos: Jeep Novak et Roger Van Vooren
Vidéo: Béatrice Guenet

Il va de soi que le passage de l’Oeil du cyclone a eu tendance à éventer l’info jusqu’aux oreilles de quelques villageois évidemment indiscrets. Et qu’à force de secouer le cocotier, la noix serait tombée dans les mains de l’opposition communale. Nul doute que, à ce point de l’enquête, je vous tiendrai informés de tous développements futurs éventuels. L’Oeil du Cyclone… Tout est calme ici est un projet initié par Jeep Novak et porté par le collectif d’artistes Brussels is NDRGRND.

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